Les registres paroissiaux témoins de l’histoire : La guerre de Sept Ans, Partie 1

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Les conflits opposant les colonies françaises d’Amérique du Nord aux Britanniques, puis aux Américains, ont forgé leur destin. Les traces de ces conflits sont toujours perceptibles dans les registres paroissiaux, une véritable constante à travers des siècles de changements. Cet article est le premier d’une série ayant pour objectif d’illustrer la puissance historiographique des registres paroissiaux à l’aide de l’outil LAFRANCE de GenealogieQuebec.com et de PRDH-IGD.com.

La guerre de Sept Ans (1756-1763), qui se solde au Québec par la Conquête, bouleverse la jeune colonie alors que la Nouvelle-France devient britannique. Cependant, en dépit des troubles, les prêtres continuent de consigner dans les registres paroissiaux les moments marquants des vies de leurs paroissiens. Ces actes, qui font la richesse de la généalogie canadienne-française, recèlent aussi un trésor historique en révélant l’impact de la guerre sur la population de la vallée du Saint-Laurent.


Source: Wikicommons, https://commons.wikimedia.org/wiki/File:French_and_indian_war_map.svg

Dès 1755 sont envoyés en Amérique des régiments militaires en provenance de France pour soutenir le Canada devant la menace britannique alors que les hostilités s’intensifient. La présence de ces soldats en sol américain ne passe pas inaperçue : tout au long de la guerre de Sept Ans, nombre de décès, mais aussi de mariages, sont enregistrés dans les registres paroissiaux. En effet, certains font le choix de s’établir au Québec de façon permanente et constituent le dernier apport migratoire à la population canadienne sous le régime français. L’acte suivant célèbre le mariage, le 11 février 1759 à Charlesbourg, de « jean Schoumarcker dit prêtaboire soldat de la compagnie de la Brenne au régiment de Berry […] et de marie joseph richard ».


Source: Acte 261291, LAFRANCE, GenealogieQuebec.com

Ces soldats sont généralement bien identifiés dans les actes, par leur nom et par leur régiment. À quelques exceptions près : au mois de février 1756, quelques mois après son arrivée, un « jeune soldat du Regiment de Languedoc » se noie dans les eaux du Richelieu. Le prêtre omet son nom mais note que son capitaine, le Sieur Guyon, a pu attester de sa catholicité!


Source: Acte 324752, LAFRANCE, GenealogieQuebec.com

Les nations amérindiennes jouent aussi un rôle prépondérant dans cette guerre, d’où son nom anglais de French and Indian War. Cet acte en fait foi : on y apprend le décès à l’été 1758 de Jean-Baptiste, « sauvage micquemaque », au Fort Saint-Jean, à Saint-Jean-sur-Richelieu, au retour d’un « combat donné contre les anglais » au Fort Carillon, au sud du lac Champlain dans l’actuel État de New York.


Source: Acte 325976, LAFRANCE, GenealogieQuebec.com

La menace britannique en Nouvelle-France se fait inquiétante à l’été 1759, alors que l’ennemi remonte le fleuve Saint-Laurent avec l’objectif de prendre Québec. Le 31 juillet, après deux semaines de bombardements, se déroule le premier affrontement pour Québec, la bataille de Montmorency (ou de Beauport), qui se conclue à l’avantage des Français.

Le mois d’août est marqué par une campagne de terreur de la part des Britanniques, qui saccagent les villages de la côte dans l’espoir de forcer l’armée française à quitter la protection des murs de Québec. Baie-Saint-Paul fait les frais de ces attaques : le curé note le décès de Charles Desmeules, « tué et la chevelure levée […] a la pointe d’aulne par les anglais ou ils firent descente et brulerent tout le bas de la baie st paul », mais aussi ceux de « plusieurs enfants morts dans le temps que nous étions dans les bois, réfugiés », alors que « les Anglais étaient à l’Isle aux coudres et a quebec ».


Source: Acte 201896, LAFRANCE, GenealogieQuebec.com

Saint-Joachim perd son curé, « massacré par les anglais le 23 de ce mois etant a la tete de sa paroisse pour la deffendre des incursions et hostilites que faisait l’ennemi ».


Source: Acte 235388, LAFRANCE, GenealogieQuebec.com

De part et d’autre du fleuve Saint-Laurent, les registres paroissiaux traduisent l’urgence de la situation : enterrés en hâte et « sans cérémonie à cause des anglais », plusieurs corps sont exhumés et inhumés de nouveau après la fin des conflits.


Source: Acte 205287, LAFRANCE, GenealogieQuebec.com

Le conflit atteint son apogée en septembre 1759, à l’occasion de la bataille des Plaines d’Abraham. L’armée britannique, l’armée française, les guerriers amérindiens et la milice canadienne, formée d’habitants, s’affronteront près de Québec pour la possession de la ville. Cette bataille et les événements subséquents seront abordés dans la seconde partie de cet article.

 

Marielle Côté-Gendreau
Étudiante et collaboratrice au Programme de recherche en démographie historique (PRDH) de l’Université de Montréal.