Les registres paroissiaux témoins de l’histoire : La guerre de Sept Ans, Partie 2

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La guerre de Sept Ans (1756-1763) a marqué un tournant dans l’histoire de la Nouvelle-France, qui change alors de mains. La première partie de cet article narrait, par l’entremise des registres paroissiaux de l’Église catholique, les événements qui ont mené à l’assaut de la ville de Québec par les troupes britanniques et leurs impacts sur la population de la Nouvelle-France.

Nous reprenons l’histoire en septembre 1759, à l’occasion de la bataille des Plaines d’Abraham. Après un débarquement réussi à l’Anse-au-Foulon, à l’ouest de Québec, les troupes britanniques accèdent aux hauteurs de Québec, où elles s’installent sur les Plaines d’Abraham. Le conflit atteint alors son apogée.


Cette gravure de 1797 est basée sur une esquisse exécutée par Hervey Smyth, aide-de-camp du général Wolfe durant le siège de Québec. Vue de la prise de Québec, le 13 septembre 1759.

L’affrontement se solde par une victoire britannique et le décès des deux commandants ennemis, les généraux Montcalm et Wolfe. La sépulture de Montcalm est effectivement enregistrée dans les livres de Notre-Dame-de-Québec, avec tous les honneurs dus à son rang :

« a été inhumé dans l’Eglise des Religieuses ursulines de Québec haut et puissant Seigneur Louis-Joseph Marquis de Moncalm Lieutenant Général des armées du Roy, Commandeur de l’ordre Royal et militaire de St Louis, Commandant en chef des troupes de terre en l’Amérique Septentrionale décédé le même jour de ses blessures au combat de la veille, muni des sacrements qu’il a reçus avec beaucoup de piété et de Religion »


Source: Acte 253561, LAFRANCE, GenealogieQuebec.com

Les titres de noblesses côtoient dans ces registres les descriptions les plus anonymes. On y trouve par exemple cette curieuse sépulture d’un soldat inconnu.

« un soldat français dont je n’ai pu savoir le nom ni le régiment, tout ce qu’une personne a pu m’en dire, c’est qu’avant sa maladie il portait la perruque, et qu’ayant été blessé au combat du treize de ce mois, il avait été embarqué sur un navire Anglais où il est mort en rade. »


Source: Acte 253571, LAFRANCE, GenealogieQuebec.com

On tend toutefois à oublier que ce n’est pas sur les Plaines d’Abraham que se joue l’ultime manche de ce bras de fer entre les Britanniques et les Français. Alors que Québec est occupée, les commandants français demandent au roi des renforts pour assurer la reconquête de la ville au printemps. Le 28 avril 1760 se déroule la bataille de Sainte-Foy, remportée par les Français contre une armée britannique diminuée par les rigueurs de l’hiver, occasionnant des pertes importantes dans les deux camps.


Source: Acte 256530, LAFRANCE, GenealogieQuebec.com


Liste des décès répertoriés à l’Hopital général de Québec après la bataille de Sainte-Foy. Source: Recherche dans le LAFRANCE, GenealogieQuebec.com

Cependant, les renforts espérés par les Français n’arriveront jamais et le premier navire à atteindre Québec à la fonte des glaces est anglais. Les Français sont forcés de retraiter vers Montréal, où est signée la capitulation le 8 septembre 1760. Le traité de Paris de 1763, qui met un terme à la guerre de Sept Ans, officialise l’abandon de la Nouvelle-France à la Grande-Bretagne.

Les traces de la guerre de Sept Ans dans les registres paroissiaux ne sont toutefois pas toutes aussi morbides. La cohabitation entre les militaires de l’armée britannique et la population locale occasionne aussi de nouveaux baptêmes et mariages. Le baptême suivant, daté du 21 novembre 1760, est celui de Guillaume, « anglais dont le père et la mère sont inconnus », une formule standard pour les enfants illégitimes.


Source: Acte 248004, LAFRANCE, GenealogieQuebec.com

Dans un autre acte, daté du 12 juin 1761, est baptisée une autre fillette « née de parents inconnus ».


Source: Acte 248097, LAFRANCE, GenealogieQuebec.com

On apprend cependant au mariage de ses parents en 1765 que cette petite Élisabeth est née d’un père suisse servant dans les troupes britanniques et d’une mère canadienne.


Source: Acte 250388, LAFRANCE, GenealogieQuebec.com

Des registres paroissiaux surgissent donc les premiers indices des transformations et bouleversements qui marqueront la population canadienne à l’aube d’une nouvelle ère. La guerre a certes causé la mort de nombreux jeunes gens, mais elle apporte aussi sur les rives du Saint-Laurent de nouveaux habitants. Pouvez-vous aussi discerner, dans votre propre histoire familiale, les conséquences de la Conquête?

Marielle Côté-Gendreau
Étudiante et collaboratrice au Programme de recherche en démographie historique (PRDH) de l’Université de Montréal.