La présence allemande au Québec

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Mon nom est Claude Crégheur et je m’intéresse à l’histoire de l’Allemagne depuis plusieurs années. Cet intérêt est né de la découverte de mes origines allemandes à la suite de recherches généalogiques effectuées dès la fin des années 60.

Je ne vous cacherai pas qu’il était encore assez tabou, à cette époque, de parler de mes racines allemandes; la fin de la Seconde guerre mondiale n’était pas si lointaine et l’Allemagne avait très mauvaise presse. N’empêche, ma curiosité a pris le dessus !

Ceci est l’introduction d’une série d’articles dans laquelle je tenterai de dresser un portrait le plus complet possible de l’histoire de l’immigration allemande en territoire québécois, de la Nouvelle-France à aujourd’hui.

En général, la découverte d’ancêtres allemands dans son arbre généalogique apporte son lot de surprises et de frustrations. La plus grande difficulté réside au niveau des graphies des patronymes qui ont évolué dans le temps, certains ayant tout simplement été traduits en français.

Avant d’aller plus loin, je veux m’attarder à la définition du mot allemand. On désigne un Allemand comme une personne habitant le pays appelé Allemagne. Ce pays, tel que nous le connaissons et auquel nous nous référons aujourd’hui, a bien changé au cours des siècles passés. Ses frontières se sont déplacées au gré des guerres et des traités politiques. En tant qu’État-Nation, l’Allemagne n’existe que depuis sa proclamation le 18 janvier 1871. Avant cette date, il existait bien un monde germanique formé de plusieurs petits États, Principautés, Duchés et même Villes libres au même titre qu’un État en soi.

Son histoire est complexe et doit considérer les limites géographiques et politiques ainsi que l’ethnogénèse du peuple allemand.

Régions allemandes

Par exemple, il est fréquent de rencontrer dans les registres paroissiaux du Québec les mots « allemand de nation », même si la personne provenait de l’Alsace ou de la Lorraine, territoires qui ont appartenu un temps à la France et un temps à l’Allemagne. La majorité des ancêtres « allemands » venus s’installer au Québec sont issus des XVIIe et XVIIIe siècles, donc avant l’Allemagne telle qu’on la connait aujourd’hui. Plus on recule dans le temps, plus on se perd dans les subtilités ethniques qui ne sont finalement que des étiquettes. Les grandes invasions dans l’Europe du premier millénaire ont créé un mélange d’origines scandinaves, saxonnes et franques à travers le continent.

La Nouvelle-France s’est peuplée et développée par une immigration française soutenue jusqu’à la Conquête de 1759. Suite à la conquête, d’autres vagues migratoires de l’Europe vers le Canada ont lieu, comprenant cette fois des européens de diverses origines. Si on veut parler d’immigration germanique, on doit tenir compte de ces vagues de migration.

Il faut d’abord bien comprendre qu’on distingue ici deux types d’immigration : le premier type, et probablement le plus important pour le Québec, fut l’immigration par les voies militaires. Les différents conflits qui ont opposé l’Allemagne et l’Angleterre puis l’Angleterre et ses colonies américaines ont contribué à la plus grande vague d’immigration au Québec. Dans la plupart des cas, ces soldats se sont si bien intégrés à leur nouvelle culture, incluant la religion, que plusieurs québécois ignorent qu’ils sont de souche allemande.

Soldat des troupes de Brunswick

Le deuxième type d’immigration est plus aléatoire et s’est développé au gré des guerres, des famines et des tensions politiques ayant touché les pays d’Europe entre les XVIIe et XXe siècles. On l’appelle immigration libre car elle s’est développée par une volonté propre à l’émigrant de vouloir quitter sa terre natale, pour différentes raisons. Ces familles arrivèrent principalement en deuxième partie du XIXe siècle et formèrent des communautés plus fermées, parfois même isolées dotées de leurs églises et écoles distinctes, et conservant souvent leur langue et leur religion luthérienne.

La première moitié du XXe siècle, frappée par les deux grandes guerres, a également contribué à la société québécoise par l’arrivée d’un nouveau groupe d’immigrants.

Dans le prochain article de cette série, j’aborderai la question de l’immigration allemande de la Nouvelle-France jusqu’à la Guerre de Sept Ans.

Claude Crégheur