La migration allemande en Nouvelle-France

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(Le premier article de cette série se trouve ici.)

Mon nom est Claude Crégheur, et dans ce second article de ma série sur la présence allemande au Québec, je me pencherai sur la migration germanique à l’époque de la Nouvelle-France.

Le premier mariage d’un Allemand relevé dans les registres de Notre-Dame de Québec est celui de Hans Bernhardt avec Marie de Bure, veuve de Gilles Enart, le 27 décembre 1666.

Mariage de Hans Bernhardt et Marie de Bure provenant du registre de Notre-Dame-de-Québec
Mariage de Hans Bernhardt et Marie de Bure provenant du registre de Notre-Dame-de-Québec
Source: Acte 66714, LAFRANCE, GenealogieQuebec.com

Le mariage est sous le nom de Jean Bernard, patronyme qui va lui survivre. On y lit qu’il est originaire de « la paroisse de Ste-Croix de Thionville, diocèse de Trèves en Allemagne »; Thionville est en Lorraine, aujourd’hui territoire français.

En 1666, le duché de Lorraine était également français. En effet, la France l’avait annexé à son territoire dès 1648, à la fin de la Guerre de Trente Ans. Elle avait fait de même avec l’Alsace. En 1860, Berlin exigeait le retour des deux provinces selon les principes de nationalités définies par la langue. Ce sera chose faite suite au Traité de Frankfurt le 10 mai 1871, après la défaite française de la guerre franco-prussienne. Cette entité politique prit alors le nom de Reichsland Elsaß-Lothringen.

Parmi les contemporains de Hans Bernhardt, on rencontre Georg Stems marié à Marie Perodeau le 16 septembre 1669 à Notre-Dame de Québec. Il était originaire de la ville de Luzern en Suisse et était tailleur de pierres.

Mariage de Georg Stems et Marie Perodeau provenant du registre de Notre-Dame-de-Québec
Mariage de Georg Stems et Marie Perodeau provenant du registre de Notre-Dame-de-Québec
Source: Acte 66846, LAFRANCE, GenealogieQuebec.com

Nous avons ensuite Peter Mahler marié à Jeanne Gueneville le 3 novembre 1671 à Notre-Dame de Québec.  On le dit originaire d’Escalis en Allemagne. Cette ville n’existe pas, il s’agit donc sûrement d’une mauvaise lecture ou transcription de ce que Henri de Bernières, le célébrant, a entendu. 

Mariage de Peter Mahler et Jeanne Gueneville provenant du registre de Notre-Dame-de-Québec
Mariage de Peter Mahler et Jeanne Gueneville provenant du registre de Notre-Dame-de-Québec
Source: Acte 67023, LAFRANCE, GenealogieQuebec.com

Mentionnons aussi Léonard Créquy, qui signe Lenart Kreickeldt, originaire de l’évêché de Cologne en Allemagne. Il épouse Catherine Trefflé dit Rotot le 22 mai 1680 à Notre-Dame de Québec et était menuisier, maître-ébéniste et sculpteur.

Mariage de Lenart Kreickeldt provenant du registre de Notre-Dame-de-Québec
Mariage de Lenart Kreickeldt provenant du registre de Notre-Dame-de-Québec
Source: Acte 67220, LAFRANCE, GenealogieQuebec.com

Puis nous avons le matelot Jean D’Eyme, ou plutôt Johann Deigme, patriarche des familles Daigle dit Lallemand. Dans son acte de mariage du 5 novembre 1685 à Charlesbourg avec Marie-Anne Proteau, on le dit originaire de Vienne dans la Basse-Allemagne. Serait-ce Vienne en Autriche? C’est fort possible, mais rien ne nous permet de l’étayer pour l’instant.

Fiche de famille PRDH de Jean Daigle L'Allemand et de Marie Anne Proteau
Fiche de famille PRDH de Jean Daigle L’Allemand et de Marie Anne Proteau
Source: Fiche de famille 5587, PRDH-IGD.com

Et finalement, le cordonnier André Spénard, qui signe Andre Spennert, originaire de la Lorraine selon son acte de mariage célébré le 5 avril 1690 à Notre-Dame de Québec avec Marie Charlotte Thérèse Arnaud. Il est intéressant de noter que Leonard Créquy, mentionné plus tôt dans cet article, est présent au mariage et signe Lennart Creigie (et non Lenart Kreickeldt comme il l’avait fait à son propre mariage).

Nous avons aussi parfois affaire à des cas plus mystérieux, comme celui du mariage de Denis Lagneau et Marie Anne de Kierk/Decker le 15 septembre 1718 à Notre-Dame de Québec. Marie Anne est dite originaire de Saxe en Allemagne. Comment une femme allemande célibataire s’est-elle retrouvée au Québec ? Un mystère! Après 1723, nous perdons leur trace.

Mariage de Marie de Denis Laigneau et Marie Anne Dekierk provenant du registre de Notre-Dame-de-Québec
Mariage de Marie de Denis Laigneau et Marie Anne Dekierk provenant du registre de Notre-Dame-de-Québec
Source: Acte 68199, LAFRANCE, GenealogieQuebec.com

Comme on peut le constater, ces immigrants sont majoritairement des hommes de métier, comme les premiers colons français en Nouvelle-France. Il serait très intéressant de savoir comment ils ont eu vent de cette opportunité, surtout lorsqu’on considère la distance géographique les séparant de la côte ouest française.

Il est aussi important de mentionner que la religion catholique ne semblait pas être un frein à l’intégration des immigrants allemands au sein de la société québécoise, comme ce sera le cas un siècle plus tard.

Une grande majorité des patronymes de souche germanique ont probablement irrité bien des oreilles de curés ou de notaires qui, malgré leur niveau d’instruction, les ont bien malmenés ou simplement francisés comme dans le cas de Vogel en Loiseau, ou Schneider en Tailleur par exemple.

Dans mon prochain article, je m’attarderai à l’immigration Allemande autour de la Guerre de Sept Ans.

Claude Crégheur